mardi 22 septembre 2015

Eva de Simon Liberati

J'ai lu ce "roman" il y a plus d'un mois, et je tourne autour de ce billet sans arriver à l'écrire depuis que je l'ai terminé.
Pour tout vous dire, je m'en doutais et j'ai pris des notes pendant ma lecture.
J'ai même mis des signets sur mon livre numérique pour pouvoir citer certains passages, ce qui m'arrive rarement.
Le sujet du livre, la personnalité de son auteur et de celle dont il parle, la façon dont il est écrit, le procès vite expédié qu'à intenté la mère d'Eva Ionesco, tout ceci laissait présager un livre encensé par la critique.
Et ça n'a pas manqué.

La femme qu'il vient de rencontrer est de celle qu'on rêve longtemps. 
Dans ses premiers romans, elle était déjà là, belle, mystérieuse. 
Son premier idéal féminin, il le sait maintenant, c'était elle. 
Sous les traits de ses personnages, il le sait, il le sent, elle était en filigrane, la conjugaison de toutes formant une image à présent si claire. 
Mais leurs vies s'entrechoquent et si elle est abimée par son passé, il a choisi une voie de débauche qui ne lui laisse pas l'esprit plus tranquille. 
Il a toujours fréquenté des milieux où la drogue et l'alcool étaient des habitudes quotidiennes...

Soyons clair dès le départ, je n'ai globalement pas aimé !
Et pourtant, j'aime beaucoup le personnage qui écrivait les horoscopes si drôles que je lisais dans ce magazine génial et décalé de ma jeunesse qu'était 20 Ans !
Cela ne signifie pas que j'ai détesté et je l'ai même terminé (même si j'ai sauté plusieurs paragraphes), allant au bout de ce récit, sans doute mue par une curiosité (malsaine ?) pour Eva.
Mais hélas, je n'y ai pas trouvé ce que je m'attendais à y lire, et je crois que c'est ce qui m'a perturbé.

Evidemment, dit comme ça, on voit bien que c'est de ma faute et qu'avec une autre idée du livre, j'aurais peut-être aimé davantage.
Mais tout de même, on nous vend ce roman comme l'histoire d'Eva Ionesco, comme un roman "sur" la femme aimée, l'expression de l'amour de Simon Liberati pour sa femme.
Or ce qu'on lit ici, c'est la vie de Simon Liberati avant Eva, les soirées de beuveries, les soirées de délire, les vagabondages dans Paris, sa vie décousue.
Il lui faut plus de la moitié du livre pour arriver enfin à nous parler d'Eva, de leur rencontre, de cette fulgurance qui l'a frappé.
Par la suite, on lit les pérégrinations d'une petite fille exploitée par sa mère, avec un peu de trash, l'évocation de séances de photos très perturbantes, l'alcool et la drogue, l'abandon de cette enfant à elle-même après l'avoir détruite.
Il ne nous épargne rien pour montrer l'évolution d'Eva, comment elle s'en est sortie malgré la perversion maternelle (sa mère l'a loué à 11 ans pour tourné un film porno !), et comment l'époque ne reprochait rien à Irina Ionesco, et l'encensait à loisir en organisant des retrospectives et autres expos photos où l'enfant était exposée dans toute sa nudité.
Cet aspect là est éclairant par la dénonciation qu'il pratique, on ne peut pas le lui reprocher, et il reste très soft tout de même dans son propos.

Mais globalement, il ne se passe pas grand chose, il faut bien le dire.
En 280 pages, on a largement accès aux pensées de Liberati, à ses états d'âme, à son passé, à ce qu'il pense de sa femme, de ses amis, de sa vie, de ses meubles, de son lit...
Certes, passé la moitié du livre, il finit par nous parler d'Eva, de sa vie d'avant, de son enfance.
Certes, vous lirez des choses abominables sur ce que la mère d'Eva lui a fait subir.
Mais tout de même, ce n'est pas le coeur de cette histoire.

Et d'ailleurs, en écoutant l'auteur chez Trappenard sur France Inter, je l'ai entendu dire : "J'ai fait un livre sur ma conjugalité avec Eva Ionesco" !
Mais voilà ! C'est ça !
Encore une fois, je me suis laissée abuser par la présentation erronée de l'éditeur !
Et ici, ça prend tout son sens !
Mettre en avant l'histoire d'Eva plutôt que celle du couple, c'est attirer le lecteur avec un truc un peu gore, un peu méconnu mais connu quand même, un peu trash, surtout après le procès fait par la mère d'Eva.
C'est très présent dans le livre, mais plus comme un filigrane (et ça, c'est tant mieux finalement).

A moins que ce soit tout le livre qui tente d'attirer le lecteur avec un peu de trash et de sensationnalisme.

Au final, je retiendrais un texte ciselé, avec de très beaux moments, tellement beaux que contrairement à mon habitude, j'ai noté quelques extraits. 
Mais une déception pour le fond un peu trash, un peu sale, et une lassitude face à l'autofiction qui se regarde le nombril et n'apporte rien de neuf sous le soleil ! 


Mais c'est joli quand même :

"Ma souveraineté était placée sous la garde de mes défauts. On n'asservit pas un enragé. On peut se l'attacher quelques temps mais il finira toujours par briser ses liens et mordre la main qu'on lui a tendue."

"Ce qu'Eva m'a dit au début sur ses vertiges suicidaires ne m'a jamais quitté parce qu'ils ne la quittent jamais. Ce soir-là, ce soir passé, déjà mort, l'enchantement de la promenade, à la fois partagé et distinct, chacun au fond marchant dans l'impénétrabe solitude de l'être, le plaisir lui-même n'étant comme dans l'amour qu'une brève illusion de communauté, cet enchantement perdure pourtant."

Je signale aussi l'article du magazine Lire sur le livre qui est vraiment bien trouvé avec son Pour ou contre !

Cliquer pour voir en plus grand




3/6 pour cette rentrée littéraire !



Merci à Decitre pour cette lecture. 



16 commentaires:

  1. Le genre de livre qui non seulement ne m'attire pas, mais me repousse même ... marre des turpitudes des soixante-huitards (j'ai pourtant été jeune à la même époque, mais on ne devait pas vivre sur la même planète)

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    1. Voilà, c'est exactement ça ! Et marre aussi des auteurs qui se regardent le nombril !

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  2. Mon libraire me l'a déconseillé et j'ai lu plusieurs critiques qui ressemblaient à la tienne dans le ressenti de vide et de tromperie. Sa prestation à la Grande Librairie ne m'a pas convaincue non plus.

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    1. Je n'ai pas regardé LGL (j'ai oublié) mais je ne crois pas que ça aurait changé quelque chose. Je l'ai écouté chez Trappenard et c'était intéressant, sans apporter d'éclairage particulier sur le roman. Je crois que l'autofiction n'est pas pour moi en tout cas ;^)

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  3. Cela me rappelle très vaguement un article que j avais lu mais je ne connais pas les protagonistes. Ionesco pour moi c est l autre
    Bref je vais peut être lire ce livre mais avec un oeil vierge

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    1. Tu as raison, si ça te tente, il faut le lire. Il y a aussi des lecteurs qui ont beaucoup aimé et je crois que c'est un livre du tout ou rien ! Soit on aime, soit on ne le supporte pas ;^)

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  4. merci de ce sacrifice parce que ce livre ne me disait rien et franchement à te lire, c'est le pompon of the pompones ! bises

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    1. C'est un genre qui compte de plus en plus de représentants j'en ai peur. Mais bon, le principal c'est que cela plaise à quelques uns. Pour nous, il y a bien d'autres choses à lire ;^) (et ravie de t'avoir rendu service :^D)

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  5. Ah oui, je croyais que tu l'avais plus détesté que cela finalement...oui clairement on sentait à LGL que l'éditeur avait orienté la promo sur le côté malsain et voyeur du livrent ceci-dit c'est le sale qui me reste. Je n'aime ni le principe de départ, ni d'arrivée. A la limite , j'aurais préféré un roman, mais bon moi je milite contre l'autofiction, alors je n'ai aucune chance 'adhérer à ça!

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    1. Je crois que le temps a atténué ma colère. J'avais l'impression de m'être fait avoir, d'une imposture intellectuelle mais le style est quand même là, on ne peut pas le nier. Et puis effectivement, l'éditeur, le procès, tout incite à penser à un livre qui parle d'Eva et de sa mère mais j'ai plutôt l'impression finalement que Liberati a un peu ménagé sa femme. Il parle de leur rencontre, de sa vie avant et pendant et aborde en spectateur le passé sulfureux d'Eva. C'est une distance qui lui permet sans doute de publier le livre sans divorcer, parce que même si elle en a fait un film, en parler soi-même et lire ce qu'un autre en dit, c'est sûrement très différent.
      Mais bon, sur le principe de raconter sa life en 250 pages, j'ai quand même beaucoup de mal. L'autofiction qui n'a rien à dire sur le monde, ça m'ennuie. (mais c'est un avis personnel bien sûr ;^) )

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  6. Il est dans ma PAL, j'ai la chance de l'avoir eu en cadeau cet été...moi j'aime bien les auteurs qui de regardent le nombril, au moins eux ils l'assument contrairement aux autres.
    Je ne connais ni l'auteur ni le personnage principal...à suivre donc !

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    1. Alors là, tu peux y aller, il assume complètement de se regarder le nombril ! Il l'annonce dès le départ et il n'y a aucune ambiguité sur ce point.
      Mais plus sérieusement, si tu le lis, tu verras que son style est ciselé et ça, c'est quand même remarquable par les temps qui courent. Rien que pour ça, je l'ai terminé. Il n'en reste pas moins que je n'ai pas compris le sens ultime du livre. Je m'interroge toujours sur ce qu'il essaie de faire. Est-ce un livre pour rendre hommage à sa femme ? Pour répondre à la commande de son éditeur qui attendait un livre, n'importe lequel ? Ou (ce qui a été dit aussi) pour préparer la sortie prochaine de leur film en faisant un peu de battage médiatique ?
      Peut-être un peu tout ça d'ailleurs ;^)

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  7. Tu me confirmes dans l'idée qu'il n'est pas pour moi.

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