mardi 13 mars 2012

Antoine et Isabelle de Vincent Borel



La lecture d'un roman permet souvent de s'évader, de s'identifier à un personnage et d'apprécier le style d'un auteur.
Elle peut aussi permettre d'apprendre, sans se substituer à un livre d'histoire tout en donnant au lecteur une foule de connaissances sans qu'il en ait vraiment conscience.
C'est ce que fait ce livre qui nous raconte l'histoire récente de l'Espagne en suivant notamment Antoine et Isabelle, les grands parents du narrateur.

Isabelle a quitté son village avec sa famille et ses frères et sœurs après un énième hiver trop dur. Ils espèrent tous que Barcelone leur offrira du travail et une vie meilleure.
De leur côté, les Vives ont deux enfants, Antonio et sa sœur, mais les hivers sont aussi difficiles dans leur village de montagne, et eux aussi viennent chercher une vie meilleure en ville.
Antonio et Isabelle vont devoir s'adapter à cette nouvelle vie. Il n'est pas question d'aller à l'école, mais il faut trouver un petit boulot et faire vivre la famille.
Pour Isabelle, ce sera petite main dans un atelier de couture. Pour Antonio, ce sera plongeur dans un grand hôtel.
Ils vont ensuite grimper les échelons et se faire une place dans la société, jusqu'à ce que la guerre civile remette tout en question.

Vincent Borel dresse un portrait magnifique dans ce livre… mais de qui ?
L’écriture est très belle, et pourtant, on est en droit, en tant que lecteur, de se demander qui est le héros de ce livre.
Il y a d’abord Antonio et Isabelle, mais il y a aussi la famille Gillet, riches propriétaires de filatures à Lyon, puis un ami d’Antonio, le jardinier des Gillet, des propriétaires de filatures de Barcelone, Barcelone elle-même et même l’Espagne toute entière.

Car au final, ce roman m’a semblé davantage celui de l’Espagne que celui de ces personnages.
Je n’ai pas éprouvé de réelle empathie pour Isabelle et Antonio dont on ne connait que très peu les pensées ou les états d’âme.
Ils sont censés être les héros, mais on ne voit pas bien leur lien avec les Gillet. A aucun moment ces deux familles se croisent, ce que j’attendais pourtant, car cela aurait justifié leur présence.
Ils vivent dans deux mondes bien distincts, et même dans deux pays bien distincts géographiquement. Rien ne les relit, pas même le narrateur qui donne des détails sur sa filiation et explique qu’il est le petit fils d’Antoine et Isabelle, sans donner aucune précision à propos des Gillet.
J’ai donc eu un peu du mal à comprendre la structure du roman, et si j’ai apprécié d’apprendre de choses sur la soie synthétique, la Rhodia et Rhone Poulenc, je n’ai pas bien compris ce qu’ils faisaient là. N’importe quelle famille puissante de l’époque aurait apparemment pu faire l’affaire. J’exagère évidemment, mais c’est l’impression que cela m’a donné, sûrement entretenue par la frustration de ne pas pouvoir mieux connaître les personnages.

Par contre, j’ai beaucoup appris sur l’Espagne, Franco et la guerre civile qui a précédé la seconde guerre mondiale. J’ai aussi appris sur les filatures de soie synthétique.
C’est une période qui était assez obscure pour moi, mais en lisant En attendant Robert Capa l’an dernier et ce livre cette année, j’ai comblé une grande partie de mes lacunes.
C’est ce qui m’a fait dire plus haut que ce livre est sans doute finalement davantage un roman sur l’Espagne qui retrace une partie de son histoire plutôt que sur les deux personnages qui posent fièrement sur la couverture.

Si vous vous intéressez à l’Espagne des années 1930, si vous voulez lire un livre très bien écrit, si vous êtes passionné par l’histoire, ce livre pourrait bien vous plaire.


Merci au Point et à Libfly pour l’envoi de ce livre et cette lecture pendant laquelle j'ai beaucoup appris.  



16 commentaires:

  1. J'en garde un bon souvenir, notamment grâce à l'aspect historique des choses, à ce lien entre la France et l'Espagne...

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    1. Oui, c'est un livre qui est surtout intéressant pour ça, d'ailleurs, parce que côté personnages, il manque quelque chose.

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  2. Réponses
    1. N'hésite pas si tu es intéressée par cette période de l'histoire :)

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  3. Et voilà, je suis tentée :)
    Bises

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  4. Je l'avais noté à sa sortie, et puis un peu oubliée. Sa sortie en poche me redonne envie de le lire.

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  5. Je l'avais lu également.
    Il m'avait touché pour diverses raisons même si j'ai trouvé que l'auteur demeurait assez distant avec ses personnages.

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    1. C'est sûr, on ne peut pas dire qu'on sait grand chose d'Antoine, Isabelle ou les Gilet. C'est d'ailleurs un peu dommage quand même.

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  6. J'ai adoré. J'ai découvert des aspects sur la seconde guerre que je ne soupçonnais pas.... Pour une fois, je n'ai pas fermé à mi-chemin en me disant que toutes les souffrances de la seconde guerre ,je ne voulais qu'en connaître les hauts-faits militaires

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    1. Je dois avouer que de mon côté, ce ne fut pas un coup de coeur. Les personnages me sont restés trop hermétiques pour cela. J'ai aussi été dérangée par le manque de lien entre les deux familles. Par contre, c'est vrai que j'ai beaucoup appris, et ça c'était très agréable :)

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    2. J'ai adoré après mûre réflexion, assez étrange tout ça...Je crois que Borel a tenu à distance l'émotion en adoptant un côté journalistique, mais il n'y arrive pas tout à fait, ce qui donne cet objet hybride et un peu perturbant quant à l'écriture. Mais c'est bien, non , d'être perturbé parfois ?
      Ce livre est à mon avis indispensable de nos jours, pour ce qu'il dit.Je ne comprends pas que certaines personnes n'aient pas vu le lien entre Antonio et Isabel et la famille Gillet ! Même s'il est ténu, c'est un fil, de ces fils qui tissent le monde comme il va : ceux qui mènent, ceux qui subissent et ceux qui résistent...A méditer

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    3. Oui, je suis d'accord avec toi, c'est un livre très intéressant du point de vue de l'histoire et des évènements qui sont décrits, et j'ai beaucoup appris sur l'histoire de l'Espagne. Pour le lien, effectivement, et comme tu le dis, il se tisse par l'opposition de deux mondes, mais le roman s'appuie sur l'histoire de personnages qui sont proches de l'auteur et de personnages qui ne lui sont rien. Et c'est un roman. Ces deux facteurs font que j'attendais plutôt un rapprochement final, comme il est fréquent dans ce genre d'histoire familiale. Du coup, je me suis demandé pourquoi avoir choisi les gillet, et pas plutôt cette famille espagnole qui étouffe réellement ces familles. Et quand les choses sont interchangeables dans un livre, cela m'interpelle toujours quant au choix de l'auteur.

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  7. je l'ai chez moi, il m'attend sagement...tu justifie mon achat impulsif avec ton avis ;-)

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    1. Tant mieux, j'ai toujours des scrupules à décourager de futurs lecteurs réjouis en donnant des avis mitigés :)

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