lundi 21 septembre 2015

Marcel

© Julien Ribot
Le crépi se décollait par endroit, et tu n’avais vu que ça lors de notre arrivée.

Oui, le coin te plaisait, mais tu le trouvais éloigné de tout.
Pour la moindre boite d’allumettes, il faudrait sortir la voiture.
Je t’avais laissé ruminer, ouvrant les portes et les fenêtres pour que la maison respire.

Il y avait bien longtemps que personne ne l’avait ouverte, les herbes avaient envahie le jardin à l’arrière de la maison, et si la cour était encore dégagée, on le devait à Marcel qui venait s’occuper du potager.
Jamais il n’entrait dans la maison, il n’osait pas.
Il avait pourtant très bien connu les habitants précédents.
Il parlait souvent d’eux avec une larme au coin des yeux.

La maison m’avait plu immédiatement.
Je voyais déjà nos enfants à venir courir de pièce en pièce.
J’imaginais les baies vitrées s’ouvrir dans le mur du jardin, illuminant du soleil du matin la table du petit déjeuner.
Nous aurions vécu vieux ici, savourant jour après jour un calme qui nous reposait de la ville trop longtemps supportée.

Tu t’étais finalement décidée, pour me faire plaisir je le sais, et nous avions aménagé un petit coin douillet dans une partie de la maison pour y vivre le weekend et les vacances.
Cette vie d’entre deux t’avait vite lassé et c’était toi qui avais choisi de quitter vraiment la ville pour habiter ici.
Les jours coulaient tranquilles et nous n’avons rien vu venir.

La maison est aujourd’hui fermée et Marcel vient toujours s’occuper du potager.
A ceux qui viennent la visiter, il parle des occupants précédents avec une larme au coin des yeux.
Pense-t-il à nous ou voit-il devant lui tout ceux qui nous ont précédé ?
Personne ne l’a soupçonné.
Un petit vieux comme lui, bien tranquille, qui y penserait ?
Nous non plus nous n’y avons pas pensé.
Quand il a commencé à passer plus souvent, nous n’avons vu qu’un petit vieux qui s’ennuyait.
Quand il a commencé à se faire insistant, nous avons tenté de lui faire comprendre qu’il fallait qu’il rentre chez lui.
Quand il a fait irruption en pleine nuit, nous n’avons pas compris.
On nous a retrouvé deux jours plus tard, dans le petit coin de la maison que nous avions aménagé.

Personne ne saura jamais que c’est Marcel qui nous a tué.



Comme d'habitude avec l'atelier d'écriture de Leiloona, je me décide en quelques minutes, avec une première phrase qui me tente et me donne envie de poursuivre l'écriture. 
Bon, je crois que je lis trop de romans policiers, mais je vous assure que je n'ai pas d'envie de meurtre dans la vraie vie ! 








22 commentaires:

  1. J'aime beaucoup ton texte, nostalgique et mélancolique, qui prend aux tripes ! Mais ce qui me plait le moins c'est la chute...je fuis le polar il faut dire.

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    1. Après l'avoir écrit, je ne suis plus si sure qu'il s'agisse d'un polar ;^) Après tout, un texte plus long pencherait peut-être plutôt vers la nostalgie, quelque soit la chute. Marcel serait "juste" là pour justifier le récit et ce retour sur soi. Mais on ne le saura jamais :^)

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  2. Je ne m'attendais pas du tout à cette fin, tu m'as bien menée en bateau avec ton texte ! Bravo !

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    1. Merci, j'aime bien surprendre ceux qui ont la bonté de venir me lire (mais ton texte n'est pas mal non plus ;^) ).

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  3. Gloups ! Quelle fin ! Je me demande ce qui est arrivé aux précédents propriétaires que Marcel évoque, les larmes aux yeux ;-) !

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  4. Moi j'aime cette chute qui nous embarque complétement!

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  5. Roh cette chute ! Fichtre, je trouvais que c'était bien sympa au début, je ne m'attendais pas à cette fin !

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    1. Moi aussi je trouvais ça sympa au début de mon texte et puis Marcel s'est pointé et ça a dérapé :^D

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  6. J'avais mis un com sur le blog de Leiloona concernant votre texte mais elle m'a conseillé de le mettre ici..
    @Estelle Calim:Interessant recit,fluide et tendre dont on se prend la chute en pleine figure!...Restera ce mystère qui m'énerve:Pourquoi Marcel élimine-t-il tous les occupants de cette maison si j'ai bien compris l'histoire?...Il y a un roman entier ou un film en devenir dans votre texte....
    Benedicte D.

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    1. (oui, je vais retourner lire les commentaires chez Leiloona, mais c'est plus sûr de venir le mettre ici en effet ;^) )
      Marcel était déjà là dans le premier texte que j'ai écrit pour cet atelier je pense. Il reviendra sûrement et on en saura un peu plus peut-être. Mais il faudrait lui demander, il est apparu dans mon texte au fil de ma plume et je ne le connais pas encore très bien ;^)

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  7. J'aime beaucoup la tonalité nostalgique de la première partie du texte. Et ensuite, quelle chute !

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    1. J'aime bien ces retournements qui nous emmènent loin du point de départ ;^)

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  8. Quel cauchemar ! Mais pourquoi Marcel est-il tueur en série ??? La maison est-elle une sorte de complice involontaire ou bien la raison des crimes ?

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  9. Oh, je ne m'attendais pas à cette chute.
    L'atmosphère de ton texte donne un indice sur la chute, et pourtant, on ne s'attend pas à quelque chose de si noir ! Bravo :)

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    1. Merci, je crois que ces chutes surprises sont ce que je préfère dans ces petits exercices d'écriture ;^)

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